Cet article est extrait du 9ème numéro du magazine Artisanat & Attractivité
Ce nouveau numéro met en lumière des enjeux majeurs pour l’avenir de l’artisanat francilien. La transmission d’entreprises artisanales, enjeu clé face au départ à la retraite de nombreux dirigeants, y est explorée sous toutes ses facettes.
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La ruralité en Île-de-France
Depuis la pandémie de Covid-19, l'attractivité des communes rurales franciliennes connaît un regain d’intérêt. La crise sanitaire a révélé l’importance des espaces naturels, de la qualité de vie et d’un cadre de vie plus spacieux, poussant de nombreux Franciliens à envisager un éloignement des centres urbains denses. Même si la population rurale francilienne ne représente que 5% de la population régionale, 50% de son territoire est constitué d’espaces agricoles, boisés et ruraux et 1 commune sur 2 est considérée comme rurale en Île-de-France.
Ces zones, souvent sous forte influence de Paris, bénéficient d’un cadre de vie plus paisible, tout en restant connectées aux dynamiques de la métropole. De plus, le profil démographique des communes rurales se diversifie, accueillant notamment des familles en quête d’espace et des jeunes actifs cherchant des logements à des coûts plus accessibles.
6% de l’artisanat francilien est rural et un vivier manufacturier encore important
Son poids est quasiment équivalent à celui de la population rurale. En effet, 6% des artisans franciliens sont implantés dans une commune rurale. Fait notable, le nombre d’artisans en milieu rural progresse très rapidement : entre 2017 et 2023, le nombre d’entreprises artisanales en milieu rural a augmenté de 51%.
Une autre caractéristique du milieu rural est la préservation d’une tradition manufacturière à échelle artisanale, concentrée principalement dans les zones d’activité, mais également dans les zones d’habitat individuel où les ateliers sont souvent aménagés dans les annexes des habitations des artisans. En milieu rural, les zones d’activité constituent des viviers d’emplois essentiels pour les communes. En effet, les secteurs du bâtiment et de la fabrication y occupent une place particulièrement importante, contrairement aux services, moins représentés en raison principalement de la faible présence d’entreprises de transport, telles que les taxis et VTC. En milieu rural, la part de l’artisanat industriel et productif qui regroupe à la fois la petite industrie, les ateliers de menuiserie et de vitrerie et les métiers d’art représentent près d’un quart des effectifs, contrairement à la zone dense francilienne où l’artisanat productif ne constitue que 14% (hors Paris).
Certains territoires préservent encore un patrimoine industriel, notamment à proximité des cours d’eau, dont une partie a pu être réappropriée par d’autres activités lorsque les bâtiments n’ont pas été désaffectés.
Des indépendants à la recherche de synergies locales
Dans les communes rurales, jusqu’à un quart des entreprises artisanales est constitué de professionnels intervenant directement chez leurs clients, qu’ils soient des particuliers ou des entreprises. Ces activités incluent le nettoyage, le graphisme, les coiffeurs à domicile, entre autres. Si en milieu urbain dense ces professionnels constituent 16% du tissu artisanal, en milieu rural, leur part peut monter jusqu’à un cinquième ou un quart des entreprises artisanales. Ces indépendants contribuent activement au dynamisme économique local, en tant que professionnels mobiles qui desservent des territoires souvent peu accessibles par les transports en commun.
Cependant, ces entrepreneurs expriment un besoin accru de renforcer les liens avec les acteurs locaux pour sortir de l’isolement, tant sur le plan entrepreneurial que personnel, qui caractérise les zones à faible densité. C’est l’un des principaux enseignements tirés des nombreuses études menées en milieu rural par le pôle AMO&Data de la CMA Île-de-France.
Par ailleurs, ces professionnels cherchent à intégrer un écosystème local regroupant d’autres acteurs, comme les agriculteurs, afin de valoriser les produits locaux, ou encore de mutualiser des ressources rares telles que des locaux ou des moyens de transport. Cette collaboration pourrait renforcer les synergies locales et améliorer la résilience des territoires ruraux.
Un commerce sous influence des villes
Les services à domicile se développent en milieu rural pour pallier l’absence ou l’insuffisance de l’offre commerciale. En Île-de-France, la ruralité est majoritairement constituée de communes sous l’influence des villes. Selon l’INSEE, 85% des communes rurales franciliennes sont classées comme "communes sous influence urbaine".
Cette situation est particulièrement marquée dans les communes à densité intermédiaire, situées en périphérie de l’agglomération parisienne. Ces zones possèdent une offre commerciale très dense, avec 2,8 hypermarchés pour 100 000 habitants, attirant ainsi les populations des zones rurales voisines, qui ne comptent que 1,5 hypermarché pour 100 000 habitants. Le fort taux de motorisation des ménages ruraux favorise cette mobilité.
En milieu rural, ce sont principalement les commerces artisanaux de première nécessité qui rencontrent le plus de succès. Parmi eux, la boulangerie-pâtisserie, avec 4 établissements pour 10 000 habitants, et les soins de beauté, avec 7 établissements pour 10 000 habitants, jouent un rôle central. Ces activités, au-delà de leur fonction commerciale, constituent de véritables lieux de rencontre et d’échange pour les habitants.
Cependant, de nombreuses communes restent dépourvues de commerces. Actuellement, 46% des communes rurales d’Île-de-France n’ont pas de boulangerie sur leur territoire. Si l’on tient compte du nombre de boulangeries pour 10 000 habitants les communes rurales, avec 4 boulangeries, ne s’en sortent pas si mal que cela comparés aux 5,6 boulangeries en zone urbaine dense, mais ceci implique qu’en milieu rural la distance à parcourir pour trouver une boulangerie soit beaucoup plus importante. Ce phénomène est particulièrement marqué dans les communes les plus éloignées de l’agglomération parisienne, où l’accès à ces services de proximité est limité.
Un nouveau souffle post-Covid pour les territoires ruraux
Avant même la crise du Covid, les territoires ruraux franciliens connaissaient déjà une croissance démographique, portée par un solde migratoire et naturel positif. Ce phénomène avait été constaté bien avant 2020. En 2021, l’INSEE notait que les zones rurales gagnaient environ 2 000 habitants par an grâce à un solde migratoire positif, sur une population totale de 552 000 habitants avant la pandémie.
Recréer des lieux de rencontre
Les commerces jouent un rôle crucial en milieu rural, non seulement en tant que lieux de consommation, mais aussi comme points de rencontre et d’animation pour les habitants. Les élus ruraux expriment une forte volonté de restaurer ces espaces, essentiels à la vie sociale locale. Cependant, cette résurgence du commerce reste parfois un lointain souvenir, rappelant une époque où les territoires ruraux étaient moins soumis à l’influence des grandes villes et bénéficiaient d’une vie locale plus dynamique.
Ce manque d’animation est particulièrement difficile pour les personnes dépendantes de leur famille pour se déplacer, comme les jeunes et les personnes âgées, qui tendent à privilégier les zones mieux desservies par les transports en commun.
Sortir des villages "dortoirs"
Pour attirer cette nouvelle population sans transformer leurs communes en simples "villages dortoirs" où les habitants travaillent en ville, les élus ruraux s’efforcent de dynamiser la vie locale. L’artisanat s’impose comme un levier central de cette redynamisation.
Cependant, cela nécessite des politiques ambitieuses et volontaristes. Les équipes municipales, souvent limitées en ressources financières et humaines, peinent à mobiliser les moyens nécessaires pour réaliser les premiers investissements, généralement d’ordre immobilier, qui permettraient d’attirer de nouveaux porteurs de projets.