Cet article est extrait du 9ème numéro du magazine Artisanat & Attractivité
Ce nouveau numéro met en lumière des enjeux majeurs pour l’avenir de l’artisanat francilien. La transmission d’entreprises artisanales, enjeu clé face au départ à la retraite de nombreux dirigeants, y est explorée sous toutes ses facettes.
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Un rôle déterminant dans la transmission de compétences et des savoir-faire
La reprise d’entreprise désigne le processus par lequel un acteur économique, appelé repreneur, acquiert soit le fonds de commerce soit les parts sociales d’une entreprise existante. Dans le cas du rachat d’un fonds de commerce, l’entreprise initiale cesse d’exister juridiquement, laissant place à celle du repreneur. Ce dernier intègre alors l’ensemble des actifs liés à l’activité : le personnel, les équipements, le local et éventuellement le nom de l’enseigne. En revanche, lorsqu’il s’agit d’un rachat de parts sociales, l’entreprise conserve son existence juridique, mais son contrôle est transféré au repreneur. "Ces deux modalités garantissent la continuité de l’activité, tout en maintenant des emplois et des savoir-faire essentiels au tissu économique et social du territoire", ajoute Nadine Jouannic.
La transmission d’entreprise joue un rôle déterminant dans la préservation de compétences, qu’elles soient traditionnelles ou innovantes, au sein de structures déjà éprouvées. Elle permet également de préserver les fonds artisanaux, notamment les équipements locaux et les moyens de production, assurant ainsi une offre commerciale de proximité. Cette dynamique contribue à maintenir la diversité économique et commerciale d’un territoire. En outre, la reprise d’entreprise garantit la continuité des contrats en cours avec des acteurs économiques locaux, qu’ils soient publics ou privés. Elle assure ainsi le bon fonctionnement des écosystèmes d’affaires en préservant les relations établies entre les entreprises et leurs partenaires.
Des facteurs qui jouent sur l’attractivité des entreprises auprès des repreneurs
Toutes les entreprises ne présentent pas le même attrait pour les repreneurs potentiels, bien que la reprise d’une activité existante représente un intérêt patrimonial et économique évident. Certains facteurs influencent cette attractivité et jouent un rôle crucial dans la décision de rachat.
Dans le domaine du commerce de proximité, les entreprises nécessitant des moyens de production significatifs ou des locaux conformes à des normes complexes suscitent généralement un fort intérêt. Les boucheries charcuteries, boulangeries et pressings en sont des exemples typiques. Ces activités bénéficient d’un marché actif de reprise, en raison de leur importance dans la vie locale et des investissements déjà réalisés pour leur fonctionnement.
Les entreprises spécialisées, où les équipes en place détiennent des savoir-faire spécifiques à forte valeur ajoutée, attirent également les repreneurs. Ces compétences uniques, souvent associées à des secteurs techniques ou innovants, constituent un atout majeur. Par exemple, certaines entreprises de sous-traitance, notamment dans des domaines nécessitant une haute technicité, répondent parfaitement à ce critère.
Les structures ayant établi des contrats de longue durée ou disposant d’habilitations spécifiques offrent une stabilité précieuse pour les repreneurs. Cette situation se retrouve fréquemment dans le secteur des services, où des entreprises spécialisées dans des tâches d’entretien bénéficient d’un flux régulier d’activité grâce à ces engagements à long terme.
Par ailleurs, certaines entreprises permettent une croissance externe rapide grâce à des équipes déjà opérationnelles et bien intégrées dans leur écosystème. Ce type de reprise est particulièrement répandu dans le secteur du bâtiment, où les entreprises jouissant d’une bonne réputation et d’une organisation solide représentent une opportunité stratégique pour les repreneurs.
L’importance des labels et habilitations
L’attractivité d’une entreprise à reprendre peut-être renforcée par les certifications et labels dont elle bénéficie. Selon Nadine Jouannic, "les labels comme l'Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) ou Reconnu Garant de l’Environnement (RGE) valorisent la qualité et la compétence d’une entreprise, augmentant son potentiel pour des repreneurs". Ces labels sont d’autant plus intéressants qu’ils offrent des avantages fiscaux, notamment pour les travaux de rénovation énergétique, ce qui attire des acheteurs potentiels souhaitant bénéficier de ces incitations.
Le label RGE identifie les entreprises qualifiées pour réaliser les travaux de rénovation énergétique et permet aux particuliers de bénéficier des aides prévues à cet effet.
Témoignage : Maïté Maquestiaux spécialiste de la transmission reprise à la CMA IDF
"Le départ à la retraite est le principal motif de cession d’entreprise artisanale", observe Maïté Maquestiaux, chargée de développement économique - transmission d’entreprise à la Chambre des Métiers et de l'Artisanat d’Île-de-France.
"Le manque d’anticipation est souvent le principal obstacle. En effet, beaucoup de dirigeants se préoccupent de la cession de leur entreprise seulement quelques mois avant, alors qu’il faudrait s’y préparer trois à cinq ans à l’avance !
Autre point de vigilance, à l’approche de la retraite, certains dirigeants lèvent le pied, ce qui peut entraîner une perte de valeur de l’entreprise. Idéalement, une entreprise doit être cédée au sommet de son activité. Plus une entreprise est structurée, avec des salariés et une certaine maturité, plus elle devient attractive pour les repreneurs. Face à la pénurie de personnel et aux difficultés de recrutement, la reprise d’entreprise peut présenter l’avantage de disposer d’une équipe déjà en place.
Attention la dimension psychologique n’est pas à négliger dans le cadre d’un projet de transmission d’entreprise. La plupart des dirigeants cédants ayant créé leur entreprise, le lien affectif qui les lie à leur entreprise rend la cession parfois plus délicate.
L’anticipation et la préparation avec une équipe d’experts de la transmission sont des atouts clés pour faciliter un projet de cession."
Un marché de la reprise plus actif dans certains secteurs
Il existe une culture différente de la reprise d’entreprise selon le secteur d’activité. Ainsi c’est l’artisanat implanté en boutique, donc exploitants des fonds et de baux commerciaux qui arrivent en tête de classement dans la transmission. Dans le secteur alimentaire, 29% des établissements actuellement en fonctionnement ont fait l’objet d’une reprise au démarrage. Cependant, compte tenu du nombre important d’entreprises 47% des entreprises ayant fait l’objet d’une reprise au démarrage se trouvent dans les secteurs des services. Dans les secteurs des services, 2 facteurs peuvent expliquer principalement le recours à la reprise d’entreprise : l’existence d’un fonds et d’un bail commercial, mais également la présence d’un ou plusieurs contrats de service qui servent de garantie au repreneur. En dehors de l’alimentaire, la part des reprises est plutôt faible (de 1 à 7% selon le secteur), même si leur répertoriage est parfois complexe.
Selon les chiffres de l’observatoire de la BPI sur 90 000 annonces publiées ces 12 derniers mois, 90% correspondent au secteur de la Restauration/ Tourisme (53%) et le commerce (37%). Dans le 10% restant, on retrouve particulièrement le secteur de la construction, les services à la personne et les services aux entreprises.
Le cas particulier des métiers d’arts
Leur nombre est difficile à estimer en raison des difficultés administratives à les identifier et à les différencier des entreprises appartenant à la même famille d’activités sans pour autant avoir cet "apport artistique" qui identifient les métiers d’art selon la définition juridique (l’article 22 de la loi Artisanat, Commerce et Très Petites Entreprises). Selon les estimations de la CMA IDF, il y a environ 17 000 entreprises dans le domaine des métiers d’arts en Île-de-France. Ce sont des artisans qui ont une grande maîtrise technique dans leur domaine et qui sont dépositaires d’un grand savoir-faire qui mérite d’être préservé pour les générations futures.
La principale difficulté dans la cession de ces entreprises réside dans leur configuration. Il s’agit pour une très grande majorité des entreprises sans salariés. Le savoir-faire est exclusivement détenu par le cédant qui part à la retraite. Ainsi, il est plus intéressant de créer une nouvelle entreprise pour quelqu’un qui se lance puisque la valeur ajoutée et le nom de l’entreprise sont intimement liés au cédant.
Outre le savoir-faire, certaines entreprises possèdent des outils de production uniques ou des sites à valeur patrimoniale remarquable. C’est le cas des entreprises labellisées EPV (entreprises du patrimoine vivant), dont les outils et le site font partie des critères d’attribution. L’intérêt de l’entreprise grandi lorsque celle-ci possède la renommée dans le milieu et des équipes capables d’assurer la continuité du savoir-faire.