L’histoire de Kubli commence au début des années 1900. Elle commence avec Jacques Kubli, parti tenter sa chance en Amérique du Nord comme beaucoup de travailleurs européens de l’époque. L’aventure n’ayant pas répondu à ses espérances, il revient finalement en France et s’installe à Paris, dans le treizième arrondissement. Avec son épouse, il développe une activité artisanale qui se transmettra ensuite de génération en génération et dont la philosophie repose sur la patience, la précision et l’amour du travail bien fait.
Au fil du temps, Paris connaît de profondes transformations. Le treizième arrondissement, notamment, est l’objet d’important travaux urbains dans les années soixante et soixante dix, des opérations de rénovation qui redessinent entièrement certains quartiers. C’est dans ce contexte que la famille Kubli décide de chercher un nouveau lieu pour poursuivre son activité dans de bonnes conditions. Morangis devient alors leur nouveau point d’ancrage. En 1974, l’entreprise s’y installe et ouvre un autre chapitre de son histoire.
Cent vingt cinq ans après ses débuts, Kubli reste fidèle à ce qui fait sa force, la maîtrise d’un savoir-faire ancien fondé sur la fabrication traditionnelle. Les recettes reposent encore aujourd’hui sur un mélange précis de saccharose et de glucose, une cuisson qui atteint cent quarante degrés, un refroidissement minutieux, puis un façonnage réalisé grâce à une collection unique de moules en bronze dont certains sont centenaires. Près de cinquante formes différentes peuvent être produites dans l’atelier et chaque bonbon est façonné avec le même respect du geste que naguère.
L’entreprise compte aujourd’hui vingt cinq salariés, dont une dizaine en production. Ses lignes de fabrication permettent de donner vie à des pastilles emblématiques comme la violette ou le coquelicot, à des bonbons fourrés qui font écho à des recettes régionales et à des créations plus atypiques. La maison travaille également avec des partenaires locaux, notamment les Herbiers de Milly, pour imaginer des saveurs originales comme un bonbon à la menthe poivrée fourré au chocolat. Certaines recettes répondent même à des demandes très spécifiques comme un bonbon au rhum pour la Martinique ou des créations inspirées des montagnes à base de génépi ou de chartreuse.
Ce que le grand public ignore souvent, c’est que la majorité de la production Kubli est vendue sans que le nom de la marque n’apparaisse. On retrouve ainsi leur savoir faire dans des produits prestigieux comme certains fourrages utilisés dans les macarons Ladurée, dans des assortiments proposés à la Grande Épicerie ou encore dans plusieurs références vendues par Disney. Le miel fourni par des apiculteurs locaux est également transformé en bonbons, là encore sans que Kubli ne soit mentionné sur les emballages. Une présence discrète mais bien réelle dans l’univers gourmand français.
L’entreprise a connu des années mouvementées. Le rachat en deux mille neuf par son dirigeant actuel a marqué un tournant décisif dans la modernisation et la relance de la maison. Le chiffre d’affaires est passé de un million deux cent mille euros à deux millions huit cent mille euros l’année dernière. Puis sont venues les crises successives, l’arrêt total de l’activité pendant la pandémie, la flambée du prix de l’énergie et des matières premières, le sucre passant de cinq cents euros la tonne à mille cent euros avant de redescendre à sept cents, le cacao et la noisette fortement renchéris. Grâce au travail des équipes et au soutien des dispositifs publics, Kubli a tenu, avancé et retrouvé son dynamisme.
Aujourd’hui, l’entreprise se trouve pourtant confrontée à une menace sérieuse, nous explique Gilles Duault, le dirigeant actuel de Kubli depuis 2009. Un amendement discuté au Sénat dans le cadre du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pourrait entraîner une taxe très lourde sur les produits sucrés. Le dirigeant de Kubli a fait ses calculs. Si la mesure venait à passer en l’état, la maison devrait s’acquitter d’environ cinq cent mille euros de taxes. Une somme susceptible de fragiliser non seulement Kubli, mais l’ensemble d’une profession qui ne représente que deux pour cent du sucre consommé en France. Pour mettre en perspective, une canette de soda équivaut à la quantité de sucre contenue dans dix bonbons Kubli.
Fêter cent vingt cinq ans d’existence, c’est célébrer la ténacité, la transmission, la passion et la capacité d’une entreprise à traverser son temps. Kubli incarne tout cela et bien plus encore. À Morangis, la tradition continue de se réinventer chaque jour et chaque bonbon raconte, à sa manière, un fragment de cette longue et belle histoire française.